Mesurer les protéines modifiées

Des chercheurs de l'ETH ont développé une nouvelle approche pour mesurer les protéines dont la structure se modifie. Cela pourrait permettre de développer de nouveaux outils de diagnostic pour la détection précoce des maladies neurodégénératives.

Vue agrandie : plaques
Des plaques amylo?des (en gris) se déposent sur les neurones et contribuent ainsi à l'apparition de maladies neurodégénératives. (Graphique : selvanegra/istockphoto.com)

Les cellules régulent la fonction des protéines de différentes manières, notamment en modifiant la structure des protéines. Comme en un claquement de doigts, une protéine peut changer de forme et exercer ainsi d'autres fonctions, aucune ou même, le cas échéant, des fonctions "erronées" : Chez l'homme, les protéines qui se replient mal peuvent être à l'origine de maladies graves comme la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson ou la mucoviscidose. Certaines de ces protéines ont également tendance à contaminer d'autres "congénères" et à s'agglomérer en fibrilles ou en plaques amylo?des insolubles. Ces amylo?des peuvent endommager les cellules et les tissus et les rendre malades.

Des limites jusqu'ici dépassées

Jusqu'à présent, il n'existait pas de méthodes permettant de mesurer quantitativement les protéines structurellement modifiées dans des échantillons biologiques complexes. Il existe certes toute une série de techniques permettant d'étudier les protéines à structure modifiée, comme la cristallographie aux rayons X, la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire et d'autres techniques spectroscopiques. Mais ces techniques ne permettent pas d'analyser des échantillons biologiques complexes. Les autres méthodes utilisées par les chercheurs pour étudier les modifications structurelles des protéines dans les cellules ont également leurs limites : Les protéines en question doivent être spécialement marquées avant l'analyse, afin que les scientifiques puissent les observer dans les échantillons. Cette procédure n'est toutefois possible que pour quelques protéines d'un échantillon.

L'équipe de Paola Picotti, professeure de biologie des réseaux de protéines, a maintenant trouvé un moyen de mesurer la majorité des protéines structurellement modifiées dans un échantillon biologique quelconque. Cet échantillon peut contenir des milliers de protéines différentes. Picotti et ses collaborateurs ont réussi à mesurer les quantités de protéines structurellement modifiées directement à partir d'un mélange complexe de protéines, tel qu'on en trouve dans les cellules. Pour ce faire, ils n'ont pas eu besoin de purifier ou d'enrichir les échantillons.

Combinaison de plusieurs procédures

Pour leur nouveau procédé, les chercheurs ont combiné une "vieille" technique et une approche moderne de la recherche protéomique. Tout d'abord, ils ajoutent aux échantillons des enzymes digestives bien connues, comme la protéinase K, qui découpent les protéines en ce qu'on appelle des peptides en fonction de leur structure. Les fragments peuvent ensuite être mesurés à l'aide d'une méthode que Paola Picotti a largement contribué à développer pendant ses études postdoctorales à l'ETH. Cette méthode, appelée Selected Reaction Monitoring (SRM), permet de rechercher de manière ciblée de nombreux peptides différents et d'en mesurer les quantités. Les peptides trouvés permettent de déterminer et de quantifier les protéines qui étaient initialement présentes dans l'échantillon.

Le clou de l'affaire, c'est que les enzymes digestives découpent à différents endroits des protéines similaires qui sont pliées différemment. Il en résulte des fragments différents qui, comme une empreinte digitale, peuvent être clairement attribués aux structures respectives de cette protéine.

"Cela nous permet d'utiliser la méthode de manière ciblée pour l'analyse des modifications structurelles de protéines spécifiques ou de réseaux entiers de protéines. Elle nous permet de saisir simultanément de nombreuses protéines", explique Picotti.

?a marche pour la protéine responsable de la maladie de Parkinson

Sur la base de leur nouvelle méthode, les chercheurs ont développé un test permettant de mesurer spécifiquement la version "saine" et la version "malade" de la protéine alpha-synucléine dans des échantillons complexes non purifiés, comme le sang ou le liquide céphalo-rachidien. L'alpha-synucléine est considérée comme responsable de la maladie de Parkinson. Cette protéine peut changer de structure. La variante de structure pathogène s'accumule avec ses semblables pour former des fibrilles amylo?des qui endommagent les cellules nerveuses.

Gr?ce à ce test, les scientifiques ont pu mesurer avec précision les quantités d'alpha-synucléine pathogène et non pathogène directement dans l'échantillon. Le test fournit également des informations sur la structure de la protéine. "Il nous montre quelles sections de la protéine se modifient et deviennent la nouvelle structure pathogène", explique Paola Picotti.

Un nombre croissant d'amylo?doses

Cependant, l'alpha-synucléine ne peut pas encore être utilisée comme biomarqueur. La quantité de cette protéine dans le sang ou dans le liquide céphalo-rachidien serait toujours à peu près la même chez les personnes en bonne santé et chez celles atteintes de la maladie de Parkinson. "Il se pourrait toutefois que le rapport entre la structure de l'alpha-synucléine pathogène et celle de l'alpha-synucléine apathogène évolue au fil du temps", suppose la professeure de l'ETH. "Comme la nouvelle méthode nous permet de mesurer ces deux structures de l'alpha-synucléine dans un grand nombre d'échantillons, cela pourra peut-être être utilisé à l'avenir pour développer de nouveaux biomarqueurs pour cette maladie", espère-t-elle. Gr?ce à cette méthode, il est en outre possible de découvrir, sans connaissances préalables, d'autres protéines amylo?des encore inconnues qui pourraient être liées à des maladies.

Les deux applications - la quantification d'une protéine spécifique de structure modifiée déjà connue et la découverte de nouvelles protéines de structures différentes - sont très pertinentes sur le plan médical, poursuit Picotti. "Le nombre d'amylo?doses, c'est-à-dire de maladies dues à la modification de la structure des protéines, augmente chaque année".

Référence bibliographique

Feng Y, De Franceschi G, Kahraman A, Soste M, Melnik A, Boersema P, Polverino de Laureto P, Nikolaev Y, Oliveira AP, Picotti P. Global analysis of protein structural changes in complex proteomes. Nature Biotechnology, publié en ligne le 14 septembre 2014, DOI : page externe10.1038/nbt.2999

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