Testeur de tension pour cellules cardiaques battantes

Des scientifiques sont parvenus pour la première fois à mesurer le courant traversant les canaux membranaires dans les cellules du muscle cardiaque en train de battre. Pour ce faire, ils ont combiné un microscope à force atomique avec une méthode largement utilisée pour mesurer les signaux électriques dans les cellules du corps.

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Des scientifiques ont réussi à mesurer la tension à travers la membrane externe des cellules du muscle cardiaque en train de battre (image symbolique). (Image : Keystone / Science Photo Library / Beermedia / Fotolia / Montage)

Les impulsions électriques jouent un r?le important dans les cellules du corps. Les cellules nerveuses, par exemple, transmettent des informations le long de leurs prolongements gr?ce à de telles impulsions, ou le corps s'en sert pour contr?ler la contraction des muscles. Les impulsions sont générées lorsque des protéines de canaux spécialisées s'ouvrent dans l'enveloppe extérieure des cellules, permettant ainsi à des molécules chargées (ions) de pénétrer dans la cellule ou d'en sortir. Ces protéines sont appelées canaux ioniques. Depuis les années 1970, les scientifiques disposent d'une méthode permettant de mesurer leur activité. Jusqu'à présent, cette technique a surtout été utilisée sur des cellules qui ne bougent pas. Des électrotechniciens de l'ETH Zurich et des biologistes de l'université de Berne ont désormais perfectionné la méthode de manière à pouvoir mesurer facilement des cellules en mouvement, comme par exemple les cellules du muscle cardiaque qui battent dans une bo?te de culture cellulaire.

Dans cette méthode, qui existe depuis une quarantaine d'années, les scientifiques approchent une pipette en verre de la membrane externe d'une cellule. L'ouverture à l'extrémité de la pipette est si petite qu'elle ne touche qu'une fraction de la surface de la cellule. Idéalement, il y a exactement un canal ionique sur cette petite tache de la membrane cellulaire. L'intérieur de la pipette est rempli d'un liquide conducteur et contient une électrode. Il est ainsi possible de mesurer les différences de charge entre l'extérieur et l'intérieur de la cellule (c'est-à-dire une tension électrique) ainsi que les changements à court terme de cette tension, qui sont dus à l'activité des canaux ioniques. La méthode est appelée technique du patch-clamp, car la pipette permet de maintenir (en anglais : to clamp) un morceau (en anglais : patch) de la membrane cellulaire.

Microscope à force atomique avec micro-aiguille d'injection

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Une aiguille de mesure de microscopie électronique à balayage remplie de liquide (bleu clair) sert de pipette pour mesurer une cellule (brun clair ; représentation schématique). (Graphique : Ossola D et al. Nano Letters 2015 / Copyright American Chemical Society)

Les chercheurs, dirigés par Tomaso Zambelli, privat-docent à l'Institut de génie biomédical de l'ETH Zurich, et Hugues Abriel, professeur au Département de recherche clinique de l'Université de Berne, ont maintenant combiné cette technique avec un microscope à force atomique. Dans ce dernier, une pointe de mesure est placée sur un support mobile, appelé ressort à lame, pour balayer la surface d'un objet microscopique. Il y a quelques années déjà, les chercheurs ont réussi à fabriquer des pointes de mesure dotées d'un canal interne, ce qui leur a permis d'injecter des molécules dans une cellule par commande informatique. Cette technique est désormais commercialisée par le spin-off Cytosurge de l'ETH. Zambelli et ses collègues ont toutefois poussé cette technique encore plus loin en équipant la micro-aiguille d'injection d'une électrode pour effectuer des mesures de patch-clamp en collaboration avec les scientifiques d'Abriel. Les chercheurs ont publié le succès de cette entreprise dans la revue spécialisée Nano Letters.

La technique du patch-clamp n'est pas seulement une méthode centrale dans la recherche fondamentale en biologie cellulaire, elle est également utilisée de manière routinière dans le développement de nouveaux médicaments. Ainsi, dans le cadre de la procédure d'admission de nouvelles substances actives, l'industrie pharmaceutique doit légalement vérifier si celles-ci interagissent avec les canaux ioniques. En effet, une substance active bloquant les canaux ioniques pourrait entra?ner de graves troubles du rythme cardiaque chez les patients, ce que l'on souhaite éviter à tout prix.

Des mesures plus longues et une automatisation possible

Dans la technique traditionnelle du patch-clamp, un opérateur approche manuellement la pipette de la cellule. Il existe certes des procédés automatisés, mais leur application est limitée. Ainsi, les cellules à examiner doivent avoir à peu près la même taille et la même forme, et elles ne doivent pas bouger (comme le font les cellules du muscle cardiaque).

Dans le procédé nouvellement développé, la micro-aiguille est maintenue à une distance constante et faible de la surface de la cellule gr?ce aux mesures de force du microscope à force atomique commandé par ordinateur. "Le Contact entre l'aiguille et la cellule est ainsi beaucoup plus stable. Nous pouvons ainsi effectuer des mesures sur une plus longue durée et même étudier des cellules en mouvement", explique Zambelli. Les chercheurs ont ainsi réussi pour la première fois à mesurer les variations de tension dans les cellules du muscle cardiaque en train de battre par le biais de canaux ioniques. Il est en outre envisageable de développer sur cette base un procédé automatisé permettant de mesurer n'importe quelle cellule, indépendamment de sa forme et de sa taille, explique Zambelli.

Référence bibliographique

Ossola D, Amarouch MY, Behr P, V?r?s J, Abriel H, Zambelli T : Force-Controlled Patch Clamp of Beating Cardiac Cells. Nano Letters, 2 février 2015, doi : page externe10.1021/nl504438z

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