Rendre la géothermie plus s?re gr?ce à des simulations
Des chercheurs du Service sismologique suisse (SED) et de l'ETH Zurich développent, en collaboration avec le Centre suisse de calcul scientifique (CSCS) et l'Università della Svizzera italiana (USI), un procédé visant à rendre la géothermie plus s?re à l'aide de supercalculateurs.
La géothermie profonde doit contribuer au développement des énergies renouvelables en Suisse. C'est ce que prévoit la Stratégie énergétique 2050. Mais si la géothermie est relativement facile à exploiter, par exemple sur l'?le d'Islande, très active sur le plan volcanique, elle est souvent nettement plus difficile et plus risquée sur les continents.
En Suisse, il faut forer à quatre ou cinq kilomètres de profondeur pour atteindre des régions de la cro?te terrestre suffisamment chaudes pour que l'eau puisse être chauffée aux 160 à 180 degrés Celsius nécessaires. L'eau injectée par un forage traverse la roche chaude avant d'être pompée à nouveau vers le haut. L'un des problèmes est toutefois que la roche est peu perméable à ces profondeurs. "Nous avons besoin d'une perméabilité d'au moins 10 millidarcy, mais à quatre ou cinq kilomètres de profondeur, on ne trouve typiquement qu'un millième de cette valeur", explique Thomas Driesner, professeur à l'Institut de géochimie et de pétrologie de l'ETH Zurich.
Pour rendre la roche plus perméable, de l'eau est pompée sous pression dans le sous-sol. L'eau agit contre le frottement, les éventuelles surfaces de fracture se déplacent les unes par rapport aux autres et les tensions se rel?chent. Gr?ce à cette stimulation dite hydraulique, les fractures s'élargissent et deviennent plus perméables, ce qui permet à l'eau de circuler dans la cro?te chaude. Les fractures dans la cro?te terrestre proviennent de tensions tectoniques, provoquées en Suisse par la plaque adriatique qui se déplace vers le nord et pousse contre la plaque eurasienne.
L'injection d'eau provoque un tremblement de terre
L'inconvénient de la stimulation hydraulique est que les mouvements qu'elle provoque entra?nent des secousses. Celles-ci devraient certes être suffisamment faibles pour que les humains ne les per?oivent pas ou du moins à peine. Mais cela n'a malheureusement pas été le cas pour les projets géothermiques de Saint-Gall en 2013 et de B?le en 2016. Dans les deux villes, des tremblements de terre d'une magnitude supérieure à 3 se sont produits. A B?le, les habitants ne l'ont pas seulement entendu par une forte détonation, mais ont également ressenti les secousses.
"Auparavant, environ 11'000 mètres cubes d'eau au total ont été pompés dans le puits de forage à B?le, ce qui a fait monter la pression", explique Driesner. Sur la base de relevés statistiques, on a certes défini deux valeurs limites pour la force maximale autorisée des séismes générés, à savoir les magnitudes 2,4 et 2,9, et on a également stoppé à temps l'injection d'eau. Malgré cela, des tremblements de terre plus forts se sont produits avec un certain retard. En conséquence, la géothermie a été moins bien acceptée en Suisse.
Depuis les forages de B?le et de St-Gall, il est clair que l'idée de s'arrêter à un certain seuil n'est pas suffisante. C'est pourquoi le Service sismologique suisse (SSS) a tenté de trouver une alternative : Un "Advanced Trafficlight System" basé sur la physique des roches doit pouvoir prédire presque en temps réel, pendant une stimulation hydraulique, s'il faut s'attendre à des séismes perceptibles dans la suite du processus. C'est pourquoi le SED a commencé à développer un logiciel qui analyse la réaction du sous-sol pendant une stimulation hydraulique.
Il est vite apparu que cela nécessitait un logiciel optimisé et des supercalculateurs. C'est pourquoi le projet "FASTER" (Forecasting and Assesing Seismicity and Thermal Evolution in geothermal Reservoirs), dont Driesner est le directeur, a été lancé via PASC, la Platform for Advanced Scientific Computing. Le projet réunit des chercheurs du SED, de l'ETH Zurich et de l'Università della Svizzera italiana USI ainsi que des ingénieurs en logiciels du Centre suisse de calcul scientifique (CSCS), qui fait partie de l'ETH Zurich.
La simulation explore le sous-sol
Dans la phase initiale d'une stimulation hydraulique, les quantités d'eau sont faibles et les secousses sont donc minimes. Les géophones, qui mesurent les vibrations du sol, indiquent où et à quelle distance elles se produisent autour du puits de forage. Ces signaux contiennent déjà suffisamment d'informations pour permettre des simulations sur un superordinateur afin d'estimer la probabilité de séismes perceptibles par la suite.
FASTER vise à fournir les données en temps réel au supercalculateur "Piz Daint" du CSCS, qui passe alors en revue des millions de scénarios possibles : le nombre possible de fractures, leur aspect et leur trajectoire, ainsi que le degré de frottement et de tension qu'elles possèdent. "Parmi ces scénarios, 99,99 pour cent sont totalement irréalistes, mais nous ne savons pas lesquels à l'avance", explique Driesner. En très peu de temps, "Piz Daint" analyse quel scénario reflète le mieux le sous-sol. Sur cette base, il est possible d'évaluer la situation en quelques minutes et de décider de la marche à suivre, explique Driesner.
L'un des problèmes actuels réside encore dans le fait que les chercheurs ne disposent pas d'une possibilité de test réel de leur système, car avant d'effectuer les calculs sur le superordinateur, il est important d'éliminer les mesures erronées et de respecter un certain format de données, souligne Driesner. L'année dernière, les chercheurs ont certes eu l'occasion de tester la communication entre le dispositif de mesure et l'ordinateur en Islande, mais l'activité sismique a été très faible. Les chercheurs espèrent maintenant pouvoir utiliser leur outil à la fin de l'été dans le cadre de l'étude. Laboratoire Bedretto pouvoir tester la physique.
Dans ce laboratoire géothermique souterrain, ils prévoient de stimuler hydrauliquement un volume de roche entre deux puits espacés d'une centaine de mètres, à une profondeur d'environ 1200 mètres. L'objectif de ces expériences est de déterminer si une stimulation contr?lée permet de créer une perméabilité suffisante tout en contr?lant l'intensité des séismes induits. "Il y a une corrélation assez claire - plus nous pompons d'eau dans le sous-sol, plus le séisme est fort", explique Driesner. "Ce qui est important, c'est de quantifier comment faire entrer juste assez d'eau pour être encore du c?té de la sécurité, tout en augmentant la perméabilité de la roche".
Augmenter l'acceptation de la géothermie
Les chercheurs partent du principe que l'outil qu'ils ont développé peut rendre la géothermie plus s?re. En outre, il pourrait être utile partout où des tremblements de terre provoqués artificiellement peuvent se produire - par exemple dans les mines souterraines ou pour le stockage du CO2-dans le sous-sol. Ils espèrent également que les connaissances acquises permettront d'établir les meilleures pratiques en matière de technique géothermique, afin de pouvoir planifier et mettre en ?uvre avec succès des installations géothermiques ciblées.
Pour que cela réussisse et que la géothermie profonde puisse être installée de manière routinière - comme le prévoyait initialement la Stratégie énergétique 2050 - il faut aussi, selon Driesner, des installations pilotes pour soutenir la recherche fondamentale orientée vers les applications.
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